Maçonnerie d'hier et d'aujourd'hui
Planche tracée par Robert MINGAM
Les francs-Maçons eux-mêmes sont divisés sur les origines de la Franc-maçonnerie. Certains estiment qu'elle plonge ses racines dans la plus ancienne tradition; notamment celle de l'Egypte et des mystères antiques dont les initiés actuels seraient les héritiers. D'autres voient la source de l'ésotérisme maçonnique dans les confréries de Bâtisseurs du moyen âge dont on sait, d'ailleurs, qu'elles ont recueilli des enseignements anciens. D'autres Maçons enfin, considèrent que leur ordre date du XVIIIe siècle et refusent de chercher plus avant dans l'histoire.
Tous ont raison et tous ont tort. Si l'on cherche les racines de la maçonnerie obédientielle, telle que nous la connaissons aujourd'hui, alors effectivement il n'est pas nécessaire de remonter plus avant que 1717.
Si l'on veut se référer à l'appellation contrôlée de notre-ordre, celle-ci est attestée pour la première fois en 1376. Cependant, dès le XIIIe siècle, on retrouve des loges de tailleurs de pierre en France, en Allemagne et en Angleterre. A cette époque, la Franc-maçonnerie est protégée par le pouvoir royal et bénéficie d'une collaboration souvent étroite avec certains ordres monacaux et avec les Templiers, lesquels financèrent nombre de chantiers. Détenteurs d'une tradition et d'une sagesse, les uns et les autres eurent pour mission de transmettre leurs connaissances dans les rites comme dans les œuvres d'art.
Quant à ceux qui se réclament d'une tradition plusieurs fois millénaire, tel que le Pasteur ANDERSON qui, dans ses constitutions de 1723 reprend à peu de choses près le calendrier que l'on attribue à James USBER ( prélat anglican en Irlande en 1580 ) et qui fait remonter sa chronologie 4000 ans avant Jésus Christ, ils ne se basent ni sur une organisation obédientielle, ni sur le nom qui les rassemblent mais sur l'esprit de ses origines. Pour ceux-là, si la Maçonnerie a pour référence allégorique la construction du Temple de SALOMON, alors elle doit s'identifier à ce qu'elle représente. Ses symboles ne datent ni du siècle des lumières ni du moyen âge, mais du jour où sorti de l'esprit analogique de l'artisan, ils se confondirent avec l'outil habituellement utilisé par les Maîtres de l'Art pour l'accomplissement de leurs devoirs.
Chacun de nous choisi ses références au mieux de son propre entendement. Bien sûr, il existe des vérités historiques incontournables auxquelles nous pouvons nous raccrocher, mais celles-ci ne sont que des effets dont les causes ne sont pas toujours nés spontanément. Dans quasiment tous les cas, on peut même affirmer que leurs origines sont antérieures à la preuve.
Comment serait née la maçonnerie spéculative Anglaise en 1717, comment cette fédération de loges qui fut à l'origine de la Grande Loge d'Angleterre aurait-elle pu se constituer sans maçons préalablement et régulièrement initiés aux mystères de notre ordre ? Ceux-ci n'étaient-ils pas eux-mêmes les héritiers d'une tradition remontant pour le moins au moyen âge ?
De toutes les époques, l'habitation ou le lieu de culte ne fut pas un objet ou une " machine à habiter ", mais un univers que l'homme se construit en imitant la création exemplaire des Dieux. Que l'on prenne la tradition en marche au Moyen âge ou au temps de l'Egypte ancienne, il y eut toujours des associations professionnelles à Vocation sacerdotale au sein desquelles coexistaient des classes plus ou moins spécialisées dans l’Art de bâtir.
Nos rituels d'aujourd'hui, dont les plus anciens n'ont pas deux siècles, se réfèrent au mythe de SALOMON, c'est-à-dire à la croisée des chemins entre l'orientalisme et notre culture Judéo-Chrétienne. Là encore la tradition qu'arbitrairement nous pourrions nommer primordiale fut réutilisée par les bâtisseurs du Temple comme un idéogramme ayant traversé le temps et l'histoire des civilisations.
L'esprit et la forme étant intimement liés dans la fonction sacrée de constructeurs, la maçonnerie spéculative du XVIIIe siècle à nos jours ne peut s'amputer de son objet initial, sans courir le risque de perdre son identité.
La Franc-Maçonnerie d'aujourd'hui
La Franc-maçonnerie d'aujourd'hui est composée d'environ 12 millions de Frères, répartis dans tous les pays du monde.
Bien que la tradition maçonnique en France soit vivace et attestée depuis fort longtemps, le nombre de Franc-maçon reste très modeste par rapport aux autres pays du monde ( environ 80 000 pour la France et 500 000 pour l'Angleterre).
Plusieurs raisons expliquent le nombre relativement faible des Francs-maçons de France.
La première d'entre elles, souvent avancée par certaines obédiences maçonniques, est que l'entrée en Franc-maçonnerie est, dans notre pays, plus malaise qu'ailleurs. Il ne suffit pas d'être candidat pour être accepté. Les Loges procèdent à des enquêtes, soumettent parfois les postulants à des épreuves plus ou moins difficiles. Aux Etats Unis et en Angleterre, principales puissances maçonniques dans le monde, il est généralement beaucoup plus facile de devenir Franc-maçon.
La seconde raison, c'est que la Franc-maçonnerie Française est profondément divisée. Une multiplicité d'Obédiences, regroupant des loges et affichant des vérités très diverses, voire contradictoires est un handicap certain pour un profane qui doit trouver une voie dans la jungle de nos associations sans savoir à quelle porte frapper. Chacune d'elles tire sa légitimité d'une tradition particulière telle que la laïcité pour le Grand, Orient, la Mixité pour le Droit Humain ou la régularité pour la Grande Loge Nationale Française.
Aujourd'hui, la Franc-maçonnerie est régie par la loi de 1901 concernant les associations. Bien qu'un certain nombre de Frères le regrettent, les constitutions, règlements généraux et statuts de l'ordre sont déposés au ministère de l'intérieur, et forment une atteinte aux libertés individuelles du citoyen.
Les loges soumises aux différentes obédiences travaillent selon des rites qui reposent sur des grades ou degrés, des rituels et des symboles qui visent à des buts précis.
Cependant, le rite n'appartient pas à l'obédience, il est choisi par les fondateurs des loges, à condition qu'il soit agréé par celle-ci.
Jusque là, la maçonnerie Française pourrait être considérée comme une association ou un club fermé, administré par des lois et des hommes. Les obédiences ne garantissent rien quant aux origines de l'élément moteur du travail de leurs Loges, c'est-à-dire des rituels qu'elles agréent. Si elles se justifient sur le plan administratif, elles semblent sans intérêt particulier pour celui qui recherche une certaine élévation spirituelle ou affective. Dans le seul document délivré par elle, notre obédience parle de règlements généraux contraignants, de dispositions particulières, d'assemblées et de hiérarchie. C'est un véritable code civil où le non de Frère figure à chaque page mais comme élément d'un pouvoir hiérarchique. Le sens de Frère y est très éloigné de l'idéal de fraternité qui règne dans les ateliers.
Cette maçonnerie qui ne semble concerner que des personnes avides de pouvoir n'ayant rien compris des buts véritables de notre ordre n'est pas ce qu'elle parait être, même si à la lecture des règlements généraux de notre société, on pourrait penser que nous sommes entrés dans un ordre militaire, dispensateur de médailles et de titres, où le soldat de base n'est que de la chair à canon, une matière insignifiante permettant à un petit nombre de régner.
La maçonnerie n'a rien a voir avec cette trompeuse apparence. Derrière des textes lapidaires aux références incertaines, le législateur a cherché à protéger les Frères contre eux-mêmes dans une société profane hyper hiérarchisée où la liberté n'est encore qu'une réalité approximative. Ces règles étroites que parfois nous déplorons nous garantissent un statut social sans le support duquel notre ordre serait peut-être pourchassé, comme ce fut le cas il n'y a pas encore si longtemps. Les constitutions et règlements généraux sont comparables à ces massives fortifications qui vues de l'extérieur semblent contraindre leurs occupants en limitant leur espace, mais qui garantissent la cité contre toute ingérence du pouvoir. Si la liberté doit passer par les apparences d'une administration conforme à l'esprit de la république, acceptons que certains d'entre nous se chargent de cette basse besogne, mais soyons vigilant quant à leurs prérogatives.
Pour nous Francs-Maçons de la base, la maçonnerie reste le moyen d'acquérir une dimension spirituelle au travers d'une société chaleureuse, où les contraintes librement consenties existent comme des règles de bien vivre en société. Les rites que nous respectons scrupuleusement nous enrichissent de leurs enseignements, et la tradition à laquelle nous nous référons nous soutien dans l'effort et nous fait rêver.
J'ai dit
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