Ne pas enseigner, mais éveiller

Planche rédigée par Robert MINGAM

 

 

La Franc-maçonnerie Opérative d'avant 1717 était une fraternité initiatique de métier et comme telle, elle dispensait des enseignements professionnels reposant sur l'analogie de faire en se faisant. Celle-ci pouvait alors être considérée comme une école de la vie. Par des initiations successives suscitant l'éveil, elle transmettait à ses adeptes, en plus des techniques spécifiques à leurs corporations, une morale glorifiant le travail bien fait, la recherche de la perfection ainsi que la droiture et la fidélité.

 

Aujourd'hui, la Maçonnerie est spéculative. Elle n'enseigne plus l'Art de construire mais la philosophie de cet Art. Elle utilise la pensée analogique comme outil fondamental de la pédagogie initiatique. Le visible et l'invisible étant analogues, la fonction du sacré est, pour le Maçon, d'établir un pont de l'un à l'autre. La matière et l'esprit, c'est-à-dire l'énergie, consusbtantiellement associés, sont perçus et étudiés comme tels.

 

Alors, la vocation du Maçon est-elle d'enseigner ou de suggérer ? Doit-il transmettre des connaissances, ou l'esprit de toutes connaissances ? Si la vérité ne peut être qu'approchée par celui qui la cherche, seule la technique de l'éveil peut être considérée comme efficiente. Le Maître qui enseigne porte la responsabilité de l'ignorance de ses élèves, et c'est peut-être pourquoi dans certains Rites maçonniques tels que le Rite Ernulation, le travail ne porte que sur l'application du rituel et ne comporte pas de planche.

 

La Maçonnerie est une des nombreuses écoles de sagesse et d'Eveil proposées à l'homme attaché aux valeurs spirituelles et cherchant sa voie. Les symboles qu'elle véhicule sont immuables, mais leur interprétation varie selon le degré d'évolution spirituelle et le vécu de ceux qui les utilisent.

 

Parmi tous les symboles que la Maçonnerie met en œuvre, aucun ne lui appartient en propre, tous font partie du fond commun de l'humanité.

 

Ce qui lui appartient en propre c'est la manière particulière de les combiner entre eux. Il ne s'agit pas de donner des explications figées sur le sens ou l'utilisation du Compas, de la Règle, de l'équerre ou du fil à plomb, mais de s'identifier à l'allégorie de ces symboles en marquant d'une manière énergique que le Maçon ne serait pas digne de ce nom s'il ne faisait pas application à lui-même de ces instruments de travail. S'il ne développe pas ses facultés par un labeur continu, s'il ne s'efforce pas de se corriger de ses défauts, s'il n'emploi pas toutes ses forces à acquérir les qualités qui lui manquent, conscient de la méthode de travail et du but à atteindre, le maçon ne sera qu'un profane à l'école de la fraternité.

 

Cependant, si tous les symboles allégoriques proposés par notre Ordre, ont tous une portée morale, philosophique, ésotérique voir métaphysique, la Franc-maçonnerie n'est pas un dogme, elle n'a rien à enseigner, elle n'impose aucune vérité, elle transmet simplement une technique basée sur l'introspection. Si l'on considère que l'effort pédagogique n'est pas créateur, mais purement initiatique, le Maître questionné se doit de toujours répondre sans induire, par des questions suggérant une réponse inscrite dans le moi de son questionneur. La vérité n'est pas une réalité du passé, et se conformer au modèle préexistant est une des causes immédiates de sclérose de l'esprit. Il n'y a pas de vérités indiscutables, et la réflexion intelligente nous engage à lire ce qui est écrit, mais surtout à oublier ce qui est appris pour ne retenir que l'essence de notre vécu. Un ouvrage aussi documenté soit-il, ne peut être qu'une image du passé. S'y arrêter en considérant détenir la vérité, serait vivre à la mesure de son auteur, pas à la sienne. Ce n'est pas en épousant les convictions d'autrui que l'on s'accompli. En maçonnerie comme ailleurs, le culte des Ancêtres ainsi que celui des Maîtres à penser, est l'une des causes immédiates de la dégénérescence des Nations.

 

Alors, si la vocation du Maître Maçon n'est pas d'enseigner mais d'éveiller, ne se substitue t'il pas lui-même au rituel qu'il véhicule ? A moins qu'il ne soit que l'instrument de ce même rituel. Si comme le précise le dictionnaire éveiller c'est tirer du sommeil, révéler, stimuler, provoquer ou susciter, chacun sait que ce n'est pas le Maçon qui initie le néophyte mais le rituel qu'il développe. Au sein de sa Loge le Maître ne peut être que le maillon d'une chaîne qui relie les origines primordiales de la tradition qu'il honore au devenir de l'Ordre, et ne doit en aucun cas altérer le message millénaire qui lui a été confié par ses pairs. Il semble donc que l'enseignement ne soit pas profitable au Maçon, car il occulte sa pensée et trouble son intuitivité.

 

Je n'enseigne pas, j'éveille peut expliquer le prosélytisme de certaines obédiences qui ne recrutent que pour se sentir utiles et puissants. Ne rien enseigner ce peut être respecter les convictions de ses membres mais aussi les astreindre à l'immobilisme. Quand à éveiller, ils se servent d'outils qu'ils ne maîtrisent qu'imparfaitement, laissant à l'imagination des néophytes le soin d'expliquer ce qu'est l'initiation qu'ils leur ont proposée. A la question:  Vous initiez oui, mais à quoi ? Ils répondent que c'est l'initiable qui s'initie tout seul, entouré de ses futurs Frères. N'est-ce pas quelque part une attitude irresponsable que de guider des âmes sur des chemins que l'on ne maîtrise pas ?

 

Dans son atelier le Maître doit enseigner par l'exemple et éveiller en utilisant le symbolisme. C'est la notion de service qui fait de lui un bon et légitime Maçon.

 

L'application rigoureuse du rituel est le seul enseignement qu'il soit autorisé à donner. C'est pourquoi le maçon n'est Maître que par rapport à lui-même, sans qu'il soit fait état d'aucune autre hiérarchie que celle des responsabilités auxquelles il s'est engagé. Par son respect de l'esprit des mots qu'il véhicule et la présentation des symboles qu'il manipule, il éveille les consciences et force l'admiration.

 

J'ai dit

 

 

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